Investisseurs fourvoyés (suite) La théorie des perspectives porte sur trois formes de préjugés interreliés. D’abord, les gens accordent trop d’importance émotionnelle aux faibles chances. Ils se diront qu’une possibilité de 1 % est préférable à 0, et qu’une possibilité de 99 % est bien pire qu’une certitude (on n’a qu’à regarder un kiosque de loterie pour constater les dangers de cette croyance). Ensuite, les gens voient leurs chances de gagner d’un tout autre œil que leurs chances d’éviter la perte de quelque chose. Par exemple, il faut généralement offrir une chance de gagner au moins 250 $ pour encourager les gens à accepter de peut- être perdre 100 $. Finalement, les gens ont tendance à évaluer ces gains et ces pertes en fonction d’où ils « devraient » être, ou d’où ils ont affirmé être à d’autres personnes (point de référence ou d’ancrage) plutôt que d’où ils se situent véritablement. Ces préjugés s’additionnent pour former un phénomène bilatéral irrationnel dont beaucoup feront l’expérience. D’un côté, si l’on gagne (ou si, techniquement, l’on perd, mais moins que prévu), on a tendance à devenir trop conservateur et être réticent à prendre des risques mesurés ou intéressants. On essaie d’assurer nos réussites en se disant « qu’un tiens vaut mieux que deux tu l’auras. » D’un autre côté, si l’on perd (ou si, techniquement, l’on gagne, mais pas autant qu’on l’avait annoncé à tout le monde), on a tendance à devenir un des preneurs de risque un peu trop téméraires qui font des tentatives désespérées dans l’espoir d’arriver où l’on « devrait » être. S’en suit une détermination croissante qui nous pousse à dépenser de trop grosses sommes au mauvais endroit pour essayer de compenser les pertes initiales. Cette attitude est ancrée dans le refus obstiné de reconnaître que les coûts irrécupérables sont toujours dépourvus de pertinence quand on prend une décision aujourd’hui. Par exemple, un investisseur qui a vu chuter le cours de l’action d’une entreprise en démarrage vouée à l’échec aura une forte impulsion de participer au prochain cycle de financement pour essayer, en vain, de faire survivre l’entreprise un peu plus longtemps. Ainsi, il n’est pas confronté à la réalisation que les sommes investies au départ sont bel et bien perdues. La théorie des perspectives met en garde les investisseurs qui seraient tentés de se fier à leur intuition quand vient le moment d’évaluer les chances de réussites. Elle rappelle que les perceptions sont souvent fortement influencées par les expériences vécues récemment. Elle souligne aussi qu’il faut ignorer l’émotion qui nous donne l’impression que la perte fait plus mal que la réussite de fait du bien, et qu’il faut faire attention lorsqu’on annonce des objectifs en public (ou même à soi-même, quand on y met tout notre cœur et nos attentes). Ces objectifs risquent alors de devenir des ancrages qui se transforment en un attachement irrationnel et minant la valeur. CONSEIL : pour éviter les préjugés d’attachement illustrés dans la théorie des perspectives, fondez- vous sur des calculs objectifs pour déterminer la valeur attendue de choix incertains et faites très attention aux engagements que vous prenez publiquement.
Regardez autour de vous et vous remarquez ces importants préjugés partout, même chez vous. Vous faites maintenant partie de ceux qui savent les reconnaître, mais n’oubliez pas qu’ils continueront à vous
suivre à moins que vous ne preniez des mesures concrètes pour les éviter. — Dave Valliere , Ph. D., directeur de l’Entrepreneurship Research Institute, École de gestion Ted Rogers
64 Un guide pratique aux investissements providentiels
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